Gouverneur Erkki Liikanen
L'Ambassade de Finlande, Paris, 12 Janvier 2018

Finlande et l´Europe

Le texte prononcé fait foi

Il y a bientôt 67 ans, que des journalistes se sont retrouvés le soir du 9 mai, au Quai d'Orsay pour la conférence de presse hebdomadaire du ministre. Ils s'attendaient à la routine habituelle, mais le ministre en question, Robert Schuman, leur a lu une déclaration de deux pages d'une voix "sourde et hésitante" qui les a frappés comme une bombe.

"II n'est plus question de vaines paroles, mais d'un acte hardi, d'un acte constructif. La France a agi, et les conséquences de son action peuvent être immenses. Elle a agi essentiellement pour la paix. Pour que la paix puisse vraiment courir sa chance, il faut d'abord qu'il y ait une Europe. " C'est ainsi que Schuman a commencé son discours, qui culminait dans la proposition de créer une communauté du charbon et de l'acier.

C'est dans le secteur du charbon et de l'acier, matières premières de la guerre, que Schuman a d'abord voulu instituer une Communauté. Schuman l'a dit explicitement: ''La solidarité de production qui sera ainsi nouée, manifestera que toute guerre entre la France et l'Allemagne devient non seulement impensable mais matériellement impossible. "

L'initiative française a reçu une attention considérable dans différentes parties de l'Europe. Mais l'ambassade finlandaise à Paris n'en a fait part à Helsinki qu'en septembre, date à laquelle les négociations sur l'établissement de la Communauté du charbon et de l'acier étaient déjà bien avancées.

Le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier a été finalement signé en avril 1951. Le traité suivait largement la conception initiale de Schuman. Et c'est sur la même base que fut fondée, six ans plus tard, la Communauté économique européenne, la CEE.

En Finlande, Robert Schumann, le compositeur dont le nom s'écrit avec deux n, était beaucoup plus connu que le père fondateur de l'Europe.

Robert Schuman était un homme politique de premier plan dans la France de l'après-guerre. Juho Kusti Paasikivi avait un statu similaire en Finlande.

Schuman est devenu premier ministre en 1947, alors que, de son côté, Paasikivi avait déjà accédé à la présidence de la Finlande. Le gouvernement Schuman n'a duré qu'un an, après quoi Schuman a exercé les fonctions de ministre des affaires étrangères dans huit gouvernements successifs.

Paasikivi et Schuman ont inspiré, chacun de son côté, la politique étrangère de leur pays à la fin des années quarante et au début des années cinquante, mais Paasikivi a joué ce rôle plus longtemps et, enfin en tant que président dans les années -46-56.

Les priorités des gouvernements français et finlandais n'étaient guère comparables.

Paasikivi s'est préoccupé avant tout d'élaborer une relation de confiance avec l'Union Soviétique, tout en veillant à ce que son pays continue de se conformer aux règles de la démocratie et de l'économie de marché.

Quant à Schuman, son principal problème, c'était l'Allemagne et surtout la manière d'éliminer à tout jamais la possibilité d'un nouveau conflit armé entre la France et l'Allemagne.

Sur la scène politique intérieure, l'un comme l'autre étaient soucieux de limiter le poids du parti communiste.

Comme vous le savez bien, à l'origine de l'initiative de Robert Schuman, on trouve Jean Monnet, qui dirigeait à l'époque le Commissariat au Plan. Je vais parler de Monnet plus tard.

Les carrières et les visions du monde de Schuman et de Paasikivi présentent toutefois des points communs. Schuman était originaire d'Alsace-Lorraine, région qui, jusqu'à la Première Guerre mondiale, faisait partie de l'Allemagne. Il a fréquenté l'école à Metz et a étudié le droit à Munich et à Berlin. Schuman, cela va sans dire, connaissait bien l'Allemagne; il a même occupé un emploi administratif dans l'armée allemande pendant la guerre.

Paasikivi était un personnage influent en Finlande à l'époque où celle-ci constituait un Grand-Duché autonome à l'intérieur de l'Empire russe. C'était un expert éminent des questions russes. Au début de ses études, il s'était spécialisé dans la langue et la littérature russes et a passé six mois à Novgorod. Par la suite, il a lui aussi choisi la profession de juriste.

Au cours des années 1910, la relation avec l'Allemagne a fait l'objet de vives controverses en Alsace-Lorraine. L'opinion politique était fortement divisée.

Les uns souhaitaient que la région devienne un État allemand de plein droit, alors que les autres aspiraient à un retour au sein de la zone d'influence française. Les premiers souhaitaient une Alsace­Lorraine autonome, dotée de sa propre constitution, de son propre gouvernement, et qui soit indépendante du Bundesrat. Il n'est pas sans intérêt de noter qu'au cours des débats, l'exemple de l'autonomie finlandaise à occasionnellement été évoqué, comme une référence.

Comme il est bien connu, Jean Monnet était originaire de la région de Cognac. C'est le père de Jean Monnet qui créa la marque Monnet en 1901. Les caisses de cognac étaient expédiées par l'entreprise Monnet à Berlin, New York, Saint-Pétersbourg et Londres.

L'idée que ces caisses étaient attendues dans le monde entier stimulait l'imagination du jeune homme. En quête d'aventure, il a quitté l'école à l'âge de 16 ans et est parti à la découverte du vaste monde, d'abord deux années à Londres, après le Canada et enfin les Etats-Unis. A l'âge de 20 ans, il avait déjà vu une bonne partie du monde.

Monnet est revenu à Cognac juste avant la première guerre mondiale et a commencé à travailler dans l'entreprise familiale.

Cependant, Monnet réfléchissait continuellement sur les grands problèmes de la guerre et de la paix. Il s'inquiétait de la mauvaise organisation des achats de fournitures des Alliés.

Monnet a parvenu à prendre contact avec le premier ministre français et à lui exposer ses idées. Cet inconnu de 26 ans, fils d'un marchand de cognac, a fait une profonde impression sur le premier ministre. Il l'a envoyé au ministre de la guerre et Monnet s'est bientôt retrouvé à Londres, chargé d'organiser l'approvisionnement combinée des Alliés. Avec un tel bagage, il est devenu secrétaire général adjoint de la Société des nations.

Quelques années plus tard toutefois, de mauvaises nouvelles lui sont parvenu de Cognac. Le marché s'était effondré et la sœur de Monnet s'est rendue à Genève pour demander à son frère de rentrer pour s'occuper de l'affaire familiale.

À la grande surprise de ses collègues, Monnet est retourné à Cognac, à l'âge de 36 ans, pour diriger l'entreprise familiale.

Dès que les affaires avait été remises en ordre dans l'entreprise de Cognac, Monnet s'est lancé dans le monde des banques. Il a commencé à travailler pour une banque d'investissement américaine à Paris. Il a dirigé les négociations sur la stabilisation du zloty à Varsovie. En 1929, il a déménagé aux États-Unis pour travailler à San Francisco.

Monnet a résumé sa période à San Francisco, qui s'est terminée en 1932, de la manière suivante: "À San Francisco, j'ai fait beaucoup d'argent, puis perdu beaucoup d'argent, la seule chose que j'ai ajoutée à mon capital était l'expérience".

A la même époque, la famille a reçu une bonne nouvelle. L'entreprise acquit un nouveau client, ALKO, le monopole de l'alcool détenu par l'État finlandais. Durant les années, Monnet est devenu une marque très connue et respectée sur le marché finlandais.

Pendant la même période, J.K. Paasikivi était le président de la banque Kansallis - Osake Pankki, une grande banque finlandaise jusqu'à 1934.

J.K. Paasikivi était un grand expert sur la Russie. Il était déjà le chef de la délégation qui en 1920 a négocié la paix entre La Finlande et la Russie Soviétique. Il était aussi dans une position clef dans les négociations avec notre voisin avant, durant et après la Deuxième Guerre mondiale et il a aussi servi une période en tant que ambassadeur à Moscou.

Les contacts de Jean Monnet avec Moscou étaient limité sur le plan professionnel, mais important pour sa vie personnelle.

En 1929, Jean Monnet était tombé amoureux d'une Italienne au cours d'un diner à Paris. Cette jeune femme était déjà mariée et elle ne pouvait pas obtenir de divorce. Finalement, après quelques manœuvres compliquées, Monnet emmena sa chère Silvia à Moscou, où les mariages catholiques n'étaient pas reconnus. Ils se sont mariés là-bas en 1934, avec l'aide des autorités russes.

En 1936, Monnet est revenu à Washington, où sa famille habitait jusqu'à la fin de la guerre. Il a établi un réseau étendu de contacts dans cette ville. Il était l'ami d'un journaliste de renom, Walter Lippmann, et Monnet était un personnage influent dans les milieux proches du président Roosevelt.

Lorsque la guerre a éclaté, le député Robert Schuman s'occupait de l'évacuation de sa circonscription de Thionville. En 1940, il a été nommé sous-secrétaire d'État français aux affaires des réfugiés. Quand le gouvernement français a été transféré à Vichy, Schuman l'a suivi.

Mais lorsque tous les pouvoirs constitutionnels ont été conférés au maréchal Pétain, Schuman a quitté Vichy et il est rentré dans sa circonscription en août 1940. Là, il a été bientôt arrêté par les Allemands. Deux ans plus tard, Il a réussi à s'échapper et il a rejoint la résistance jusqu'à la fin de la guerre.

Paasikivi occupait les fonctions d'ambassadeur a Moscou d'avril 1940 jusqu'à la fin de juin 1941, même s'il est revenu en Finlande dès le mois de mars. Pendant la guerre, il entretenait des contacts nombreux avec les dirigeants politiques et économiques finlandais.

De son côté, pendant la guerre, Monnet s'occupait de diverses opérations internationales, et bénéficiait de la confiance du président Roosevelt. J'évoque simplement un épisode historique de la vie de Monnet pendant la guerre.

En juillet 1940, Monnet était à Londres. De Gaulle lui aussi s'était déjà installé à Londres. Monnet a proposé au gouvernement britannique de poser un geste suffisamment spectaculaire pour galvaniser le gouvernement français. Il a proposé la création d'une union étroite entre l'Angleterre et la France, avec une monnaie commune, une union douanière et des droits égaux à la citoyenneté pour les ressortissants des deux États.

Winston Churchill a hésité, mais il a néanmoins soumis la proposition à son gouvernement pour discussion. À sa surprise, le gouvernement a accueilli la proposition avec enthousiasme et l'a approuvée le 14 juillet 1940.

Charles de Gaulle a fait de même et il est devenu, dès le lendemain, une figure historique par son discours à la BBC. De Gaulle n'aimait pas l'accent fédéral du texte de Monnet, mais il a compris que, dans un souci de pragmatisme, aux grands maux, il faut les grands remèdes.

La réaction en France était la stupéfaction. II paraissait tout simplement impossible de mettre le toit sur la maison avant que les murs soient construits. On espérait toutefois que le premier ministre français aurait ainsi un peu plus de temps. Mais l'histoire en a décidé autrement.

Les questions de souveraineté nationale et de raison d'État

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, Monnet a mis l'accent à plusieurs reprises sur la nécessité de l'intégration européenne. II n'avait rien d'un fédéraliste idéaliste; c'était avant tout un homme doué de sens pratique.

Monnet avait été déçu par l'incapacité d'agir de la Société des Nations. Il était convaincu que l'interdépendance des nations était une réalité et que le nationalisme exacerbé était à l' origine de la majorité des conflits.

Il était tout aussi convaincu que la stabilité politique et la prospérité économique de l'Europe exigeaient la création d'une zone de libre-échange. Mais il ne suffisait pas d'éliminer les droits de douane, l'union était nécessaire dans d'autres domaines également, parmi lesquels Monnet envisageait la monnaie, les prix, la production industrielle et agricole ainsi que les communications.

Pour Monnet, l'Europe ne connaîtrait jamais la paix, si elle continuait à mettre l'accent sur un type de souveraineté nationale conduisant à des déséquilibres et au protectionnisme. Si les États européens s'isolaient à nouveau les uns des autres, il serait une fois de plus nécessaire de constituer des années démesurées. Et, sous peu, ce serait de nouveau la guerre.

Vers la même époque, pendant l'été de 1944, Paasikivi réfléchissait au destin des petits pays. Son étude de l'histoire l'avait rendu pessimiste: ''Les États agissent au nom de la raison d'État, c'est-à-dire tout simplement dans leur intérêt. Cette notion est effrayante, elle a la couleur du sang." II poursuivait: "A ce jour, aucun système n'a été conçu, qui puisse mettre un frein à la raison d'État et en protéger les autres pays. "

Lorsque Monnet parlait de nationalisme et de souveraineté nationale, Paasikivi écrivait sur la raison d'État. En dernière analyse, ils traitaient du même sujet. Pour Paasikivi, il fallait avant tout trouver une manière de fixer des limites à la raison d'État; pour Monnet, la difficulté première était de circonscrire la souveraineté nationale.

Le point de départ de la réflexion de Paasikivi était le sort des petits pays, mais elle allait bien au-delà: "Arriver à fixer des limites à la raison d'État et à la concilier avec la morale est une question qui, certes, concerne avant tout l'avenir des petits pays, mais qui, en dernière analyse, déterminera aussi l'avenir des grands pays et de l'humanité dans son ensemble. "

L'histoire n'avait pas seulement rendu Paasikivi pessimiste, elle l'avait aussi rendu prudent. De son côté, lorsque ses nombreuses initiatives lui ont valu des accusations d'optimisme excessif, Monnet répliquait systématiquement: ''Je ne suis pas optimiste. Je suis déterminé. "

Quant à Schuman, il a résumé sa pensée dans ses mémoires, non publiés: ''Les dures leçons de l'histoire ont appris à l'homme de la frontière que je suis à se méfier des improvisations hâtives, des projets trop ambitieux, mais elles m'ont appris également que lorsqu'un jugement objectif, murement réfléchi, base sur la réalité des faits et l'intérêt supérieur des hommes, nous conduit à des initiatives nouvelles, voire révolutionnaires, il importe ... de nous y tenir fermement et de persévérer. "

Naissance d'une grande idée

Les chemins du prudent ministre, Robert Schuman, et de l'audacieux homme d'action, Jean Monnet, se sont croisés au cours de l'après-guerre. En février 1950, Monnet s'était rendu dans les Alpes pour y faire une randonnée à ski de deux semaines. Bien qu'ayant un guide pour lui montrer le chemin, Monnet s'était retrouvé seul le soir: évoluant dans le monde des concepts, il y traçait sa propre piste, qui devait le mener aux grandes idées novatrices qu'il couchait alors sur le papier.

A son retour, la proposition était prête : la France devrait prendre l'initiative de créer une union du charbon et de l'acier, qui permettrait de résoudre le conflit épineux suscité par la gestion du charbon et de l'acier et de normaliser les relations entre la France et l'Allemagne.

Un autre homme d'État a eu lui aussi ses meilleures idées en faisant du ski, à savoir Urho Kekkonen (Président de la Finlande de 1956 à 1982).

En mars 1950, Monnet a commencé à soumettre indirectement ses idées à Schuman et lui a présenté finalement à la fin d'avril le plan complet. Le 1er mai, Schuman a envoyé un message à Monnet : "J'ai lu votre proposition. J'en fait mon affaire".

L'idée centrale de l'initiative de Schuman était que, dans les domaines du charbon et de l'acier, les États membres accepteraient de renoncer à une partie de leur souveraineté nationale, sous l'égide d'une communauté.

Le public a accueilli avec enthousiasme l'initiative de Schuman. La réaction du monde politique était plus mêlée. Le plan clarifiait de nombreux problèmes qui se posaient à l'Allemagne et à Adenauer. Les démocrates- chrétiens lui apportaient un soutien sans réserve. La conférence des socio-démocrates, parti d'opposition, s'y était opposée. Un seul d'entre eux, jeune député peu connu, a défendu le plan avec chaleur. Il s'appelait Willy Brandt.

La suite des évènements ne se sont pas déroulé sans heurts en France. Le centre, représenté par Schuman, et les socialistes appuyèrent le plan. Les communistes étaient contre, de même que les gaullistes qui n'approuvaient pas le transfert de souveraineté nationale a la Haute Autorité. La réaction en Italie a été immédiatement positive. Les pays du Benelux ont mis un peu plus de temps à accepter l'idée. La réaction négative de la Grande-Bretagne n'était pas vraiment une surprise.

Schuman a chargé Monnet de mener les négociations sur l'établissement de la Communauté, qui devait également être dotée d'une assemblée et d'une cour de justice. L'assemblée devait surveiller la Haute Autorité et la cour devait contrôler la mise en œuvre du traité.

Mais, comme il arrive souvent, pour le ministre des affaires étrangères qu'était Schuman à l'époque, il restait bien des points délicats à négocier au niveau politique : il fallait décider du siège de la future communauté, de la langue officielle et de la composition de la Haute Autorité.

Le compromis négocié par Schuman était entré dans les mœurs communautaires : au lieu d'une langue unique, le français, comme il avait été proposé, les langues de tous les États membres sont devenues des langues officielles et le siège a été établi en deux endroits différents. L'assemblée est allée à Strasbourg, la Haute Autorité et la Cour de justice à Luxembourg.

En même temps, la position de Schuman comme ministre des affaires étrangères français était menacée. Le gouvernement de Pinay est tombé en décembre 1952 et Schuman a quitté les affaires étrangères en janvier 1953.

"Visiteur plein d'intelligence et de charme en Finlande"

Quelques semaines plus tard, l'Association finlandaise du commerce extérieur cherchait un orateur pour l'occasion. Heikki Brotherus, conseiller de presse à l'ambassade à Paris connaissait Schuman, puisqu'il l'avait rencontré à des réunions de Quakers. Il pensait que Schuman, qui venait de quitter le mouvement, serait un candidat idéal.

Le comité de l'Association du commerce extérieur était enchanté. Mais des difficultés se sont présentées bientôt. D'après Brotherus, le ministre des affaires étrangères est allé jusqu'à demander à l'ambassadeur de France à Helsinki d'annuler la visite projetée de Schuman en Finlande.

Paasikivi a rapporté des propos tenus le 24 mars par M. Törngren, ministre des affaires étrangères, dans le cadre de sa visite hebdomadaire. Le ministre a raconté, que l'association du commerce extérieur, voulait faire de la visite de Schuman une grande occasion, mais que le gouvernement ne souhaitait de son côté ni organiser une réception, ni accorder une attention particulière a Schuman.

Malgré ces maladresses diverses, Schuman est arrivé en Finlande en avril, trois mois après avoir quitté le gouvernement. Sa visite a rencontré un très large écho dans la presse.

Dans son discours, Schuman a souligné que toutes les guerres avaient commencé précisément dans six Etats. Il a indiqué : "En désamorçant la guerre, nous avons fait quelque chose de vraiment fondamental pour la paix en Europe".

En fait, le gouvernement n'a organisé aucun diner et n'a accordé aucune attention particulière à Schuman, a l'exception d'une invitation à souper du ministre des affaires sociales, Väino Leskinen, un social-démocrate dans le hall communautaire d'Helsinki, où Schuman devait rencontrer quelques syndicalistes.

Cependant, le président Paasikivi était présent lors du discours de Schuman et il a eu un entretien avec lui. II a évoqué dans son journal l'impression agréable que lui a faite Schuman. Celui-ci pensait que l'antagonisme entre la France et l'Allemagne pourrait disparaitre progressivement et que la Communauté du charbon et de l'acier constituait un premier pas dans ce sens. Paasikivi continuait : "J'ai expliqué mon propre point de vue et la position de la Finlande, ce qu'il a bien compris. Schuman est effectivement quelqu'un d'intelligent et de charmant".

II était typique de l'époque que la Pravda mentionne cette visite une semaine plus tard. D'après la Pravda, la visite de Schuman était sans aucun doute liée à des discussions lancées par les socialistes de droite, opposés au développement des relations commerciales entre la Finlande et l'Union soviétique

Jean Monnet n'a jamais rencontré Paasikivi. Toutefois, en octobre 1962, à l' occasion d'une visite du président Kekkonen en France, le journal Helsingin Sanomat a annoncé dans une colonne de nouvelles brèves la rencontre entre Kekkonen et le "père de l'Europe".

L'article soulignait que le président avait visité la maison de Carré en dehors de Paris. Louis Carré, avait une fameuse galerie d'art á Paris et il avait fait construire une maison dont l'architecte était Alvar Aalto. Le voisin était Jean Monnet. Louis Carré avait simplement invité son voisin à rencontrer l'hôte important.

D'après le journal, malgré ses 74 ans, "Monsieur Europe" avait donné l'impression d'un homme extrêmement vif et alerte. Monnet et Kekkonen ont eu une longue conversation en anglais, bien que le journal ne dise pas à quel sujet. C'est la seule réunion entre Jean Monnet et un chef d'État finlandais. Et l'initiative avait été faite par un galeriste parisien.

La longue route de la Finlande

Entre la réunion de Paasikivi avec Schuman et celle de Kekkonen avec Monnet, l'Europe avait avancé à grands pas. A l'instigation des pays du Benelux, des négociations avaient été engagé en vue de créer une Communauté économique européenne (la CEE).

Les négociations ont abouti à la conclusion du traité de Rome en 1957. Aux termes de ce traité, les États membres ont renoncé, dans certains domaines bien définis, a une partie de leur souveraineté nationale, notamment dans les domaines de la politique douanière, de la politique commerciale, de la politique de concurrence et de la politique agricole.

Le fil directeur des États fondateurs de la CEE était l'idée qu'ensemble, les pays européens seraient plus puissants et plus forts que seuls. Rassemblés dans une Communauté, les Etats membres acquerraient une "valeur ajoutée" économique et politique qu'ils ne pouvaient obtenir individuellement.

La Finlande était loin de tout cela. L'Union soviétique considérait la CEE comme une alliance occidentale et non comme un partenaire. La Finlande n'avait que peu de marge de manœuvre et chacune de ses démarches était étroitement surveillée. En Finlande, l'intégration européenne était peu connue - si même elle l'était.

La Finlande avait adhéré l´EFTA comme un membre associé en 1961. Quand le Royaume-Uni a décidé de quitter l'EFTA pour adhérer à la CEE, c'était le premier Brexit pour la Finlande. Nous éti0ns obligés à négocier un accord de libre- échange avec la CEE. Ce qui n'était pas simple.

Après l'Acte Unique Européen, Jacques Delors avait fait une proposition sur l´Espace Economique Européen. Nous avons conclu les négociations. On avait obtenu un accès, mais on n´était pas égal avec les état-membres. La Finlande n'avait pas son mot à dire dans la politique communautaire.

La conclusion était claire. Mauno Koivisto, notre président á l'époque s'est exprimé devant le Parlement en 1992 : Nous voulons être autour de la table où les décisions sont prises. Nous voulons avoir notre mot à dire. Nous voulons être un membre constructif.

Je veux aussi retourner aux mémoires de Paasikivi. Quelle est au fond la caractéristique essentielle de l'Union européenne, si ce n'est que le principe fondamental qui la guide est le droit - et non la force.

La Finlande a conclu les négociations sur l'adhésion le 1 Mars 1994, le jour même que le mandat du président Koivisto est terminé et Martti Ahtisaari a fait son engagement solemnel devant le parlement finlandais.

La légitimité et la primauté du droit sont les principes directeurs qui régissent les relations entre les États membres. En tant que gardienne du traité, la Commission a pour tâche de veiller à la légalité de toutes les activités et au respect des traités fondateurs de l'Union européenne. La Cour de justice européenne règle en toute indépendance les litiges qui concernent la légalité de ces actions.

Le principe de légalité et des institutions communes représentent une protection importante pour tous les États membres, quelle que soit leur taille ou leur population. Cela se vérifie surtout pour les petits États membres.

C´est le plus essentiel. Une fois que nous avons pris une chaise autour d'une table dans une institution qui respect ces principes, on ne la quitte pas !

Mais en Europe, il faut mieux faire, bien sûr !

Il faut se concentrer sur l´essentiel.

Pour conclure: Je veux souligner deux priorités où les est actions au niveau européen sont nécessaires et aussi les plus efficaces.

Tout d´abord if faut compléter l'union bancaire et des marchés des capitaux.

Nous avons eu une longue crise après 2008. Il faut renforcer l'Union Economique et Monétaire par ces projets importants. On a bien avancé, mais il faut les compléter.

Ensuite nous avons été confrontés par une crise d'immigration et de réfugiés de guerre et économique. Il faut assurer le contrôle de nos frontières extérieures et il faut élargir le consensus de l'Union Européenne sur la politique migratoire et appliquer les principes de responsabilité et de solidarité.

Et bien sûr, toutes les actions européennes doivent être complétées par les actions nationales.

Je vous remercie de votre attention.